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Vous le savez déjà si vous avez lu notre article sur le remote, on a des développeurs tunisiens. Et on ne fait pas du simple outsourcing. On travaille en remote avec une équipe de 3 développeurs totalement intégrée à la team française.
Pour encore améliorer notre “outsourcing informatique” avec la Tunisie (qui est d’ailleurs plus proche du remote que de l’outsourcing), on a fait appel à Hend, une professeure de français spécialisée dans l’apprentissage de la langue pour les étrangers.
Elle vous fait un retour sur son expérience et vous explique l’intérêt de l’apprentissage de la langue pour la boîte.
Lorsqu’on fait des études de langues, de littératures et de Latin qui plus est, et qu’on vous dit que Python, Java ou HTML sont également des langues, vous buggez sévèrement !
Et ouais, moi qui n’ai jamais eu plus de la moyenne en informatique au lycée, je me suis retrouvée à enseigner le français dans une boîte de développement.
Concours de circonstance ou véritable besoin pour les sociétés de dév ? C’est ce qu’on essaiera de creuser tout au long de cet article.
En français aussi, on essaye de faire des abréviations qui font stylées et qui amènent les gens à nous demander “FOS, c’est quoi comme domaine ?“. Et là tout fiers de nous, on explique que le Français sur Objectif Spécifique, c’est le fait d’enseigner à une personne la langue, mais de façon plus ciblée, en se focalisant sur leurs besoins réels et notamment professionnels.
Et qui dit monde professionnel, dit plus d’intérêts à l’égard de notre métier. Je vous raconte donc pourquoi j’ai été recrutée !
Le secteur informatique connaissant en Tunisie une expansion fulgurante, les tunisiens ont peu à peu réussi à se frayer une place sur le marché du travail. Plus question pour eux de quitter leur famille et leur pays, ils sont désormais opérationnels, peu importe leurs localisations.
Et ce n’est pas pour déplaire au BearStudio qui est faaaaaaaaaaannnnn du remote (et bien avant la pandémie hein…)
Installés en Tunisie depuis plus de deux ans, les oursons sont partis à la conquête des provinces tunisiennes où les opportunités d’emplois sont moins importantes que dans la capitale.
Ce choix, même s’il émane d’une bonne volonté, les a confrontés à d’autres problématiques qu’ils n’envisageaient pas du tout dans un pays censé être francophone :
Il faut dire que, comme plusieurs pays du globe, les inégalités pédagogiques et professionnelles sont très répandues en Tunisie et touchent spécialement les régions sud du pays. Mais ce n’est pas ça qui a ralenti la gambade de nos petits ours !
Contactée par l’équipe du Bear Studio en juin 2019, mon objectif a été de comprendre les problèmes linguistiques de l’équipe et de la société afin d’élaborer un programme pour y remédier.
Cette expérience m’a d’abord parue effrayante (mes notes du lycée en informatique…). Mais au fil de mes recherches et de mes journées passées au sein de l’entreprise, cette expérience me paraissait de plus en plus challengeante et surtout plus proche du terrain.
Vous allez me dire “C’est évident, la communication !” Oui, mais non ! Dans plusieurs sociétés de développement, c’est l’anglais qui reste la langue la plus usuelle, pourquoi donc insister sur le français ?
Au BearStudio, une grande partie de la communication interne se fait en français (souvent à l’écrit sur des outils de communication comme Slack). Pour chaque projet pris en charge par la société, des réunions et des concertations doivent être faites afin d’aborder le meilleur angle de travail. Ce qui permet à toute l’équipe de comprendre de quoi il est question.
Cette tâche est d’autant plus complexe lorsque tous les membres d’une équipe ne sont pas géographiquement réunis. C’est donc primordial qu’il n’y ait aucun doute ou confusion dans la compréhension des tâches demandées, dans la capacité à remonter et à expliquer correctement un bug ou encore dans la gestion des problèmes techniques.
Si une grande partie du travail se fait en visio, tous les collaborateurs doivent retranscrire par écrit l’avancement de leurs tâches personnelles et les problématiques auxquelles ils font face. Ça permet aux collègues de s’entraider ou encore de prendre la main sur des tâches en cas de congés ou d’absence par exemple.
Une communication fluide revêt donc ici toute son importance puisqu’elle permet aux deux équipes de pouvoir interagir sans difficulté et d’accorder plus d’importance aux problématiques techniques qu’aux problématiques langagières.
Ce constat a été fait au détriment des premiers mois de collaboration. Puisque les deux équipes ont, au départ, négligé le niveau de français de l’équipe tunisienne. Pensant que cela ne serait pas compromettant, les deux teams sont directement entrées dans le vif du sujet. Elles se sont rendues compte que malgré les compétences techniques de chaque employé, le travail prenait de plus en plus de retard. Cela était dû à une communication pas toujours efficace.
Si les membres de l’équipe peuvent être tolérants face aux difficultés langagières de certains, ce n’est pas le cas des clients.
Certains adoptent rapidement un comportement méfiant par rapport à une personne qui ne pratiquerait pas correctement la langue. L’amalgame entre niveau linguistique et niveau professionnel est récurrent.
Cette confusion discrédite dans la plupart des cas, l’employé et la société qui l’embauche.
Quand on connaît peu les rudiments de la langue française, il est quasi-impossible de comprendre la langue parlée avec son lot d’expressions familières, d’argot, et de sous-entendus.
Autant dire que créer un esprit d’équipe lorsqu’on ne parle pas la même langue peut prendre un temps considérable. À cela, s’ajoute la portée culturelle que la langue est censée véhiculer et que le BearStudio souhaite faire parvenir à ses collaborateurs tunisiens !
En somme, la langue reste un levier incontestable pour la montée en compétence des développeurs tunisiens (ou étrangers). Leur niveau technique sera donc étroitement lié à leurs capacités à comprendre et interagir avec leurs collègues et clients.
Plus votre développeur sera autonome en communication, plus vous pourrez le placer sur différents projets, le laisser prendre seul des initiatives et même lui permettre de piloter une équipe ! Pari gagné non ?
Auteur : Hend Fellah
Publié le 16/06/2022 dans Actualités